Marie-Claude Jenny

C’est d’ailleurs à l’issue d’une représentation des Enfants de la truie, à Fri-Son, que Marie-Claude entre en  contact  avec  Gisèle  Sallin. Quand  celle-ci  lui  propose  un travail administratif, elle n’hésite pas. "Au départ, j’avais l’intention  de  rester  trois  ans  partout  où  je  travaillerais, le temps de faire le tour. Sauf qu’ici, je n’ai jamais cessé d’apprendre". Sa formation, elle l’a complétée notamment en suivant  un  stage  auprès  de  Maryvonne  Joris  - "la  Rolls  des administratrices de théâtre" - alors en charge du Festival international des francophonies, à Limoges.

Au Théâtre des Osses, Marie-Claude Jenny a tout de suite apprécié  "un rapport à l’humain différent". Un investissement autre, également. Oubliées, les journées de huit heures. Surtout dans une petite structure comme celle-ci. "J’ai fait partie de la troupe  au  même  titre  que  les  comédiens. Et  je  n'ai  jamais rechigné à faire d'autres tâches, coller des affiches, donner des coups de main pour monter et démonter des décors, gérer la cafétéria et y travailler, accueillir le public". Pour ressentir ce contact avec les spectateurs. Voir leur plaisir, entendre leurs applaudissements, c'est une récompense pour toute l'équipe, autant  artistique  qu'administrative. Autre  satisfaction: en vingt ans, les Osses n'ont cessé de suivre une pente ascendante: Partant d'une équipe "tout terrain", les différents secteurs  (diffusion, presse, secrétariat, cafétéria…) ont été développés  et structurés de manière rigoureuse. Je gère aussi un budget annuel passé au fil des ans de 400'000 à 2,5 millions de francs et d'une à quatre créations par saison.

Parmi les moments forts vécus en vingt ans, Marie-Claude Jenny retient la création de la fondation, pour la rigueur qu'elle a apportée, la reconnaissance du  label  Centre  dramatique  fribourgeois  (pour  le  professionnalisme de ce projet) et l'Anneau Reinhart. Sans oublier les fêtes, les discussions sans fin à refaire le monde et le théâtre. …

Marie-Claude Jenny, comme responsable des finances, a affronté les difficultés en première ligne. Elle ne le cache pas: "Il y a eu des moments de lassitude. Accentués, parfois, par cette  impression  d'être  à  l'administration  d'un  camp  gaulois retranché et de devoir se battre contre les Romains. Mais les difficultés  peuvent  aussi  se  révéler  intéressantes. Elles poussent  à  changer  notre  façon  de  penser, à  revoir  notre stratégie". Développer un projet unique, hors de la région lémanique, a  naturellement  créé  une  forme  d'isolement, ajoute-t-elle. Mais les Osses ont réussi à ne jamais baisser les bras, conscients de leur responsabilité envers ces spectateurs qui ont cru en ce théâtre, ont voulu qu'il vive et survive, sont venus à son secours dans les pires tempêtes.

Cette force du Théâtre des Osses, sa manière de renverser les obstacles alors que, par sa taille, il pouvait paraître fragile, Marie-Claude  Jenny  l'explique  par  la  passion  et, surtout, le respect  au  sein  de  l'équipe  qui  garde  le  cap  depuis  vingt  ans. "Nous  avons  toujours  été  extrêmement  respectés  dans  nos choix, nos désirs, notre travail, nos attentes. Et le respect s'étend à nos vies privées: nous sommes ensemble depuis toujours, mais nous ne savons pas tout les uns des autres."

Eric Bulliard, Givisiez, 20 ans après, Chroniques Théâtre des Osses Centre dramatique fribourgeois, volume 5, pp. 100-102